Le travail des cartiers (fabricant de cartes) de Bruxelles est aujourd’hui méconnu. Pourtant, l’immense richesse graphique et symbolique de ces graveurs-ouvriers transparaît de manière évidente dans la fragilité des cartes qui nous sont parvenues. Cet artisanat était considéré comme l’un des plus importants d’Europe au cours du XVIIIe siècle, si bien que l’appellation « Tarot bruxellois » rentrera dans le langage courant de l’époque (Alexandre Pinchart p.35). La disparition totale de ce patrimoine, avec l’arrivée de l’impression mécanisée et d’autres jeux plus récents comme le tarot de Marseille, constitue une perte évidente. Au cours de mes recherches, j’ai pu découvrir quatre de ces jeux et donc quatre de ces maîtres-cartiers : Jean Galler, Nicolas Bodet, Jean Demoulin et de la famille Sarton. Cette recherche artistique constitue une forme d’hommage à leur travail.

Mes recherches se sont axées sur une étude comparative de ces différents tarots et une restitution du langage iconographique de ces gravures populaires. J’ai dans un premier temps isolé et reproduit différents « morceaux » de cartes sur des objets en bois jetés dans les rues de Bruxelles. Ces objets abandonnés résonnent avec l’histoire du tarot bruxellois, culture populaire oubliée de l’histoire de l’art. Ils se retrouvent hybridés, entre sculpture et gravure, totem et témoignage.

J’ai ensuite entrepris de rééditer le tarot bruxellois en utilisant des techniques similaires à celles employées au XVIIIe siècle. Ce « nouveau » tarot de Bruxelles est copié et interprété depuis les cartes originales  de la collection d’estampes de la Bibliothèque Royale de Bruxelles. Principalement celles de Jean Galler et de la famille Sarton, dont des jeux quasi-complets nous sont heureusement parvenus. Ce tarot est gravé sur bois, imprimé et coloré à la main selon les techniques de la gravures et de la dominoterie. Cette édition joue avec les codes contemporains du tarot et des cartes-à-collectionner puisqu’il est édité sous forme de DIVINATION BOOSTER, un petit paquet de 5 cartes aléatoires qui offre à la fois un tirage de cartomancie procédural et une partie seulement de la collection de 22 cartes.

La première exposition de cette recherche, MAL DONNE, s’est tenue au Carrefour des Arts avec le soutient de la Fédération Wallonie Bruxelles.